Vivien Roubaud
Temps suspendu
Avec cette exposition personnelle, Vivien Roubaud investit le Pavillon, centre d’art et lieu d’expérimentation technologique, pour y déployer un dialogue où technique et poésie s’entrelacent. Objets détournés, flux contrariés, phénomènes invisibles : tout cherche un point d’équilibre sans jamais s’y fixer. L’exposition déploie une série d’installations, moteurs, capteurs, structures hybrides, assemblés comme les éléments d’un langage fait d’accidents, de dérèglements et de rythmes singuliers. Roubaud explore les marges de la technique, là où la machine cesse d’être utile pour devenir vulnérable, hésitante. Loin de toute logique d’efficacité, ses installations s’usent, trébuchent, révèlent des gestes latents, des états suspendus, des pulsations à peine perceptibles. En détournant les dynamiques productives, une politique du regard semble se dessiner : là où l’usage flanche, ce sont nos certitudes sur ce que produire veut dire qui vacillent.
Dès l’entrée, trois têtes d’impression montées sur socles tracent en boucle des textes sur de grandes feuilles étalées au sol. Ces imprimantes désossées, The Creepers impriment en rond, semaine après semaine, comme une imprimerie en roue libre, leurs traces s’accumulent au mur du Pavillon. Sous le dôme, des bâches de survie dorées flottent dans l’air, tenues elles par des flux contrariés. Plus loin, un nuage pleure doucement en s’évaporant. Des objets s’agitent dans des liquides transparents tandis que les Feux d’artifice, gel de pétrole dégazé, combustion incomplète, tube PMMA semblent suspendus dans le temps. Les Samares Stationnaires AEC tiennent un équilibre fragile, prêts à basculer au moindre souffle. Au sous-sol, les Gonflables accueillent des lustres anciens qui tournent sans but. Écailles, nickel, titane, cuivre, verre, douze volts viennent perturber subtilement ce tempo, offrant d’autres rythmes.
L’exposition se déploie comme une suite d’instants fragiles, à traverser plus qu’à contempler. L’émerveillement y naît sans effet : dans le flottement d’une bâche, le bruit d’un moteur, l’intervalle entre deux gestes. Le Pavillon devient un espace d’indiscipline technologique, un lieu poreux où Roubaud déplace les cadres: entre art et ingénierie, fonction et fiction, maîtrise et lâcher-prise. Roubaud affirme une esthétique du dysfonctionnement, non pas chaotique, mais féconde, ouvrant des brèches et générant de nouvelles formes d’attention.
“ Je dis souvent que j’emploie “des objets qui nous font vivre”, d’une certaine manière je cherche à extraire des qualités inutilisées ou des propriétés cachées de ces objets. ”
“ Je reconnais m’être décrit de la sorte (comme un artiste bricoleur), mais j’enlève ce que j’ai dit. Je ne suis pas non plus un artiste sculpteur, je n’ai ni marteau, ni burin, je n’explose pas la matière. En réalité, j’ai l’impression de faire beaucoup d’assemblages, et intuitivement, je me définirais plutôt comme un résistant des objets et de cette société de services qu’on nous impose sans arrêt. ”

A propos de l’artiste
Vivien Roubaud (né en 1986 à Vouziers) vit et travaille à Bruxelles. Diplômé de la Villa Arson, lauréat du prix Révélations Emerige 2014, il détourne objets et matériaux techniques pour révéler leur potentiel caché. Son travail d’assemblage fait dialoguer poésie, critique sociale et phénomènes physiques dans des installations fragiles, instables et souvent spectaculaires.
Infos pratiques
Exposition à découvrir du 23 octobre 2025 au 1er mars 2026
Du mercredi au dimanche de 12h à 18h